Mercredi 18 janvier 2023, REDIFFUSION.
Irlande, le 18 janvier 2023 - L'année 2022 fût décevante pour la rivière Bécancour (Haute Bécancour) particulièrement dans le plan d'action 2022-2025 du ministre Benoit Charette déposé en juin dernier.
Pourtant l'année 2022 fût très riche en rapports scientifiques venant complémenter les recommandations du Bureau d'audiences publiques en environnement (BAPE) sur les résidus miniers amiantés (juillet 2020). Le premier rapport scientifique reçu en janvier intitulé « Les impacts des activités minières d'amiante sur l'évolution du lac à la Truite d'Irlande » par le doctorant Olivier Jacques et son professeur Reinhard Pienitz. (Publiée le 13 janvier 2022 dans la Revue Canadienne des ressources hydriques). En mai, le rapport final du projet (débuté en juin 2017), intitulé « Études paléolimnologiques des lacs du bassin de la rivière Bécancour », fût déposé (la plus importante étude de ce genre en Amérique du Nord). Ces rapports confirment plusieurs aspects de la contamination de la rivière Bécancour à des taux fort élevés et en particulier l'amiante. Certains extraits de leur conclusion :
Un autre rapport accablant de la présence de l'amiante dans la rivière fût également déposé en janvier 2022 par GROBEC intitulé « Suivi de la qualité de l'eau du secteur minier de la Haute Bécancour 2021 ». Cette vaste campagne d'échantillonnage de la rivière Bécancour et du ruisseau Poirier s'est poursuivie de mai 2021 jusqu'à la fin octobre 2021, aux deux semaines. Ce projet a été possible grâce à une contribution du Programme de soutien régional aux enjeux de l'eau. L'objectif principal de ce suivi de la qualité de l'eau est de comparer la qualité de l'eau de la rivière Bécancour en amont et en aval des sites miniers d'amiante afin de déterminer si l'érosion hydrique de ces sites a un impact défavorable sur les écosystèmes aquatiques ainsi que sur la vie aquatique et humaine de la Haute-Bécancour.
L'APLTI a resté surpris que l'étang Stater et le lac à la Truite d'Irlande ne fasse pas partie de ce vaste échantillonnage. Ces étangs d'eau sont les plus impactés par ces résidus miniers amiantés (RMA). De plus, ces étangs d'eau sont régulièrement fréquentés par la population pour des activités aquatiques. Compte tenu des coûts élevés (près de 1000$/échantillon) associés à l'analyse de chaque échantillon d'amiante, faute de ressources et de temps, seuls deux échantillons ont pu être réalisés dans ces lacs à notre demande. Dans leur conclusion, GROBEC statue :
Permettez-nous de citer l'urgence de Mme Sandrine Desaulniers, directrice-adjointe du GROBEC, lors de l'émission de la Semaine Verte « Restaurer l'impossible » du 21 octobre 2021 : « Là on est dans une situation d'urgence, même si ça fait 40 ans que c'est comme ça, 50 ans, 60 ans ... ça demeure criant comme situation, il faut utiliser d'autres visions, il faut qu'il y ait une volonté politique de dire ... OK ...on fast Track et il faut faire quelque chose pour contenir l'hémorragie. »
Malgré toutes ces études scientifiques incluant le coût du BAPE sur « L'état des lieux et la gestion de l'amiante et des résidus miniers amiantés », après 23 mois de concertation, le comité interministériel composé de six ministères et deux organismes mandatés par le ministre de l'environnement afin d'élaborer un plan d'action suite aux recommandations du BAPE, ont jugé que la rivière Bécancour n'était pas prioritaire pour être inclus dans ce plan d'action 2022-2025 « Amiante et résidus miniers amiantés au Québec : vers la transformation d'un passif en un actif durable » déposé par le ministre en juin dernier. Difficile à croire qu'autant de professionnels en environnement ont pu ignorer toutes ces études scientifiques et recommandations ou serait-ce un manque de volonté politique. N'oublions pas qu'en 1985, le ministère de l'environnement publiait un rapport intitulé « La Bécancour, une tâche urgente ».
Ce plan d'action 2022-2025 ayant pour objectif #1, de s'attaquer au passif lié à l'amiante, comment se fait-il que la rivière Bécancour ne soit pas considérée comme un passif minier ? La Mesure 4, mentionne entre autres: « En ce qui concerne les eaux de surface, le gouvernement du Québec mettra en place, durant trois années consécutives, un premier bloc de suivi sur les deux bassins versants concernés, soit Bécancour et Nicolet Sud-Ouest. Cette approche permettra d'évaluer la situation sur le territoire, soit l'étendue spatiale et l'amplitude des problèmes rencontrés, selon la composante de l'écosystème et le paramètre évalué, car l'amiante n'est pas le seul contaminant qui pourrait causer des impacts sur l'écosystème. Des échantillonnages en amont et en aval des haldes permettront de voir l'effet de ces dernières sur les cours d'eau ». Pourtant beaucoup d'échantillonnages récentes et d'évaluations scientifiques existent déjà.
Il est également mentionné « que le gouvernement du Québec mettra en place une table de concertation réunissant des représentants de citoyens, des entrepreneurs, des associations de travailleurs, des partenaires régionaux (associations, municipalités régionales de comté et municipalités) et les représentants ministériels. Une place particulière sera réservée à des représentants de communautés autochtones touchées par les questions relatives à l'amiante. Les membres de cette table de concertation seront nommés par le gouvernement, à partir de recommandations soumises par les milieux directement concernés ». Pourquoi notre association n'a pas été invitée à cette table?
À noter également, le programme de mobilisation climatique annoncé récemment en Égypte dans le cadre de la 27e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (13 novembre 2022) par le ministre Benoit Charette, reconnaît l'importance des initiatives citoyennes en matière de lutte contre les changements climatiques. Il est grand temps que l'État reconnaisse l'importance des initiatives citoyennes pour la protection de l'eau également. Les comités de citoyens peuvent jouer un rôle clé dans la protection de l'eau au Québec. Ils alertent, dénoncent, veillent au grain et permettent de mettre en lumière des problèmes. « De la parole à l'action, le chemin est long ».
Selon le bureau de la députée Isabelle Lecours, « le plan proposé par le gouvernement est une réponse au BAPE, mais certainement pas un point final à une situation qui s'est créée sur des décennies. Comme le plan l'indique, nous souhaitons créer des conditions pour effectuer une transformation qui se fera sur une longue période et nous devons acquérir des connaissances pour trouver des solutions efficientes aux conséquences de l'exploitation de l'amiante. Ces démarches prendront du temps, nous le savons tous, et nous devrons travailler de manière collaborative pour y arriver ». Dans l'entrevue de Mme Lecours diffusée hier dans le Retour avec Alain Faucher, la rivière Bécancour semble d'être totalement absente pour 2023 et plus tout comme 2022 l'a été.
Pourtant nous avons la solution, soit de réapproprier le lit de la rivière Bécancour à son ancien puits le lac Noir. Cette solution est appuyée par une étude faisabilité et recommandée par la science et notre organisme de bassin versant. Seul, la volonté politique est manquante !
Si la rivière Bécancour est absente du plan d'action 2022-2025, ne serait-ce pas plutôt une décision politique? Serions-nous face à des gouvernements qui ne cessent d'atermoyer depuis 1985? Qui remets les choses à plus tard, afin de gagner du temps par des faux-fuyants ? Espérons qu'en 2023, la vision du gouvernement et de son ministre de l'environnement verront que la restauration du lac Noir serait quelque chose d'unique en son genre, un évènement qui marquerait l'histoire tout comme sa vidange l'a été dans les années cinquante par le gouvernement conservateur de Maurice Duplessis. Quel gouvernement osera relever le défi de restaurer le lac Noir et de passer à l'histoire ?
Pour terminer, un peu d'histoire sur la rivière Bécancour, saviez-vous que? Selon Wikipédia, c'est vers 1600 que les Abénaquis se sont établis à l'embouchure de la rivière Bécancour qui nommèrent à cette époque Wôlinaktekw qui signifie « rivière à la baie ». La plupart des autochtones qui s'y établirent étaient venus de Namesokântsik (lieu où il y a beaucoup de poissons), connu maintenant sous le nom de Mégantic, et des Abénakis venant de la région de la rivière Kennebec qui circulait par le Lac Mégantic. Après plusieurs déplacements, ils s'installèrent définitivement à Wôlinak en 1735. Aujourd'hui, Wôlinak est une réserve amérindienne abénakise située en bordure de la rivière Bécancour dans la MRC de Bécancour.
Source : Réjean VÉZINA, président APLTI, 418-428-9133